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leur lancèrent leurs bouquets en signe d’hommage. Alors la jeune princesse Élisabeth détacha de son cou une croix d’or, et, se penchant vers la mariée, la lui jeta.

Une autre fois, vers le soir, ils entendirent des matelots qui, en conduisant une barque, chantaient par habitude l’air du God save the King : la double tranquillité de la mer et de la campagne laissait monter vers eux le chant sonore. » Écoute, s’écria la jeune princesse, en voilà qui aiment encore notre père ! » Et, heureuse un moment, elle embrassa son frère.

L’été faisait pousser les arbres et les blés, il colorait les fleurs et les fruits, et chassait les brouillards du ciel et de la mer ; la terre germait partout, riante et belle, le deuil de l’hiver était oublié. Il semble que lorsque la nature se montre ainsi en force et en fête, il ne devrait plus y avoir ni malades ni malheureux : pourtant il n’en est rien. » La sève de la terre n’est pas la même qui nous donne ou nous rend la vie, disait la princesse Élisabeth ; notre force ou notre défaillance viennent de l’âme. » Aussi les parfums avaient beau monter vers sa prison, les oiseaux joyeux chanter et voler sur sa tête ; l’Océan avait beau n’avoir que des horizons de lumière, et les jeunes sapins du bois voisin croître et s’élever sous ses yeux comme un emblème de l’adolescense qui grandit ; sa taille à elle se courbait sous le poids du cœur, si délicate et si frêle qu’elle penchait toujours du même côté. Sa figure restait pâle comme l’ivoire malgré la chaleur vivifiante qui partout faisait circuler la sève et le sang. Sans ses grands yeux noirs, les yeux de sa mère, qui éclairaient cette pâleur glacée, ont eût pu croire qu’elle était déjà morte.