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leur rendre les honneurs dus à leur rang et même de les servir. Mais le sang de mon père a toujours été généreux, dit la jeune fille en souriant ; il est de la source de celui de cet ancêtre éloigné, qui reçut ici les deux orphelins royaux. Orphelins en effet, car leur mère était comme morte pour eux, elle ne pouvait revenir de son exil et les emporter dans ses bras ! Ils semblaient accablés par le fardeau de leur peine et se regardaient tristement.

Le gardien (de qui descend mon père) les fit entrer dans la grande salle que nous venons de traverser ; ils s’assirent près de la cheminée flambante pour se réchauffer un peu. La femme du gardien, une bonne âme de ce temps et que j’aime encore en mémoire des soins qu’elle prit d’eux, leur offrit à manger ; le petit prince y consentit avec plaisir, car il avait grand’faim ; mais la princesse ne voulut boire qu’une tasse de lait. Elle toussait beaucoup. On les conduisit dans leurs petites chambres. La princesse, qui n’en pouvait plus, se hâta de se coucher ; mais avant elle regarda par la fenêtre où nous sommes accoudées, et un soldat qui faisait sentinelle sur les remparts lui apprit brutalement que cette fenêtre gothique où les plantes grimpantes s’enlacent aujourd’hui, était celle par laquelle le roi Charles Ier avait voulu s’évader. La princesse Élisabeth éclata en sanglots ; c’était déchirant de la voir. Enfin elle baisa la Bible qui lui venait de son père, la posa à la tête de son lit, et parut se calmer.

Le lendemain, quand mon aïeule entra dans sa chambre, elle la trouva en prière avec son petit frère Henry ; elle l’avait levé et habillé elle-même, trop fière