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tenta de s’évader. En face de cette ruine, ma pensée se reporta naturellement vers le roi prisonnier et sa famille. Ma charmante et fraîche conductrice, qui ne m’avait point encore adressé la parole, me dit alors : » C’est ici qu’elle est morte ; et, dans son agonie, elle a bien souvent regardé dans la direction où vous regardez en ce moment.

— De qui parlez-vous donc ? m’écriai-je.

— De la petite princesse, une fée, un ange ! De la fille du roi Charles Ier, décapité à Whitehall ; elle fut amenée ici avec son frère Henri, après la mort de leur père. Ils habitaient ces deux étroites chambres ; dans celle où nous sommes couchait la princesse, et c’est ici qu’un matin on la trouva morte.

— Est-ce une légende que vous me contez, repris-je, une tradition vague ?

— Non, répliqua-t-elle, c’est une histoire certaine dont chaque fait et chaque sentiment ont été religieusement transmis de père en fils dans la famille de mon père. Celui-ci a su de son bisaïeul ce que son bisaïeul avait appris du sien. »

Ce fut par une froide journée de mars que ce plus ancien en date des gardiens de Carisbrooke, charge héréditaire dans ma famille depuis plus de deux cents ans, vit arriver, conduits par des soldats, deux enfants en habits de deuil. La neige couvrait toute l’île, le ciel, était noir et faisait ressortir plus encore la blancheur de la terre.

La jeune princesse et le petit prince traversèrent cette cour qui est là sous nos yeux ; ils marchaient pâles et tout frissonnants sur la terre glacée. Il avait été défendu de