Page:Colet - Enfances celebres, 1868.djvu/218

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour son père, qui la consultait souvent et s’émerveillait sur ses remarques toujours justes sur les hommes et sur les choses. — Où avait-elle langui, et où s’était-elle éteinte, cette belle enfant si merveilleusement douée ? Je la voyais toujours frappée à mort sortant de Whitehall, en tenant par la main ce petit frère dont elle semblait être la mère anticipée ; puis elle disparaissait pour moi dans l’ombre et l’oubli de l’histoire.

Tandis que les souvenirs de Charles Ier et de sa famille remontaient à flots pressés dans mon esprit, j’étais toujours assise sur le sommet de la tour gigantesque de Carisbrooke, dominant la campagne tranquille et l’Océan agité. Les travailleurs quittaient les champs, poussant les bœufs vers l’étable ; les troupeaux de moutons aux pieds noirs et polis, contrastant avec la blancheur de leur toison, se serraient vers les granges : le crépuscule se faisait dans le ciel, où se montraient déjà de pâles étoiles.

Comme pétrifiée sur ce sommet, je méditais encore sur les luttes incessantes des sociétés, qui troublent de leurs éternels orages la terre nourricière, ainsi que des enfants qui s’entre-déchirent sur le sein de leur mère.

Tout à coup une voix fraîche et jeune monta de l’escalier de la tour et dit en anglais :

» Si madame veut voir l’appartement de la princesse, il est temps, car la nuit va venir. » Et la jeune et jolie gardienne de Carisbrooke, avec son trousseau de clefs, arriva bientôt jusqu’à moi. Je la suivis en silence ; elle tenait à la main avec ses clefs un petit livre que j’eus la curiosité de regarder : c’étaient les poésies écossaises de Burns.

Les appartements dans lesquels me conduisit la jeune