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sur le pont des piques, des coutelas, des espontons, des haches d’armes, et dit à chacun de s’armer pour être prêt au point du jour pour n’importe quelle chance. Une fois armé, tout l’équipage se mit en prière. Nous naviguâmes ainsi toute la nuit, sous très-petites voiles, à cause de la bourrasque ; quand le jour parut, un mousse qui était en vedette au haut du grand mât de hune cria : » Je vois deux gros vaisseaux et un autre plus petit. » Le visage du Renard de mer s’empourpra d’orgueil : » Enfin ! enfin ! les voici ! » s’écria-t-il joyeusement. Alors seulement il apprit à mon père qu’il avait ordre d’attirer les croiseurs anglais loin du port, afin d’en laisser l’entrée libre à un convoi considérable qui nous arrivait du Nord et qu’on avait signalé dès la veille. » Mon vaisseau était en radoub, ajouta le Renard de mer, voilà pourquoi je t’ai demandé le tien, Antoine.

» — Oh ! merci, répliqua mon père ; ils vont avoir une danse, les trois Anglais !

» — Un contre trois ! reprit le Renard, ce sera rude ; il faut mettre le feu au ventre de nos gens pour qu’ils ne reculent pas. » Mon père et le Renard haranguèrent l’équipage. Tous jurèrent de mourir pour Dieu et pour le roi, et que l’ennemi n’aurait d’eux ni os ni chair vive. On fit apporter un tonneau d’eau-de-vie et on le distribua. Les gens de l’artillerie se barbouillèrent le visage avec de la poudre : on aurait dit des Africains.

— Et les trois vaisseaux des Anglais ? demanda le petit Jean Bart avec impatience.

— Ils arrivaient toujours sur nous, leurs voiles déployées.