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Cornille Bart regarda sa femme. La ménagère s’approcha d’un bahut sculpté et en tira, comme à regret, les fragments d’étoffe demandés. » Voilà, dit-elle, je vais les tailler et les coudre moi-même, afin que rien n’en soit perdu. »

Elle prit ses grands ciseaux de fer, son dé et ses aiguilles, se plaça sur une chaise basse à dossier élevé ; puis, agile, elle ajusta de ses doigts les bandes de toile blanche et un carré de lampas pourpre et or.

» Moi, dit Jean, saisissant du gros fil écru, je vais tendre les cordages ; » et il s’agenouilla devant le vieux matelot qui soutenait la petite galère sur ses genoux et qui, délicatement, y posait quelques vis oubliées.

Cornille Bart, sans songer à sa blessure, se promenait à grands pas dans sa chambre. Il jeta un regard sur son auditoire, et, satisfait de son air attentif, il commença son récit, tandis que le canon des assiégeants continuait à gronder : » Mon père, Antoine Bart, ton grand-père, mon petit Jean, avait pour ami le fameux capitaine de navire Michel Jacobsen, surnommé le Renard de mer : c’était un grand, fier, bel homme, dont le peintre des rois, Rubens, avait fait le portrait.

— Oh ! ce portrait, je l’ai vu une fois, s’écria Jean, quand j’étais tout petit, et je m’en souviens bien. C’était un homme brun à grand visage, cheveux et moustaches noirs ; sa poitrine était couverte d’un corset d’acier, sur lequel était jetée une écharpe rouge. Dans la main droite il tenait le bâton de commandant, et l’autre main était appuyée sur un beau casque luisant. Puis dans le fond c’était des navires, bataille et flots remués par la tempête comme