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Né avec ces instincts belliqueux, Turenne n’en fut pas moins, durant sa longue et glorieuse vie militaire, le plus compatissant et le plus généreux des hommes.

Nous rappellerons ici quelques traits de son caractère qui complètent sa gloire :

Dans une retraite difficile, voyant un de ses soldats exténué de faim et de fatigue et qui s’était étendu au pied d’un arbre où l’ennemi l’aurait égorgé, il le plaça sur son propre cheval et marcha à pied jusqu’à ce qu’il eût rejoint un de ses chariots, où il fit monter le malheureux qu’il venait de sauver. Dans cette même retraite, qui dura treize jours, il abandonna sur la route tous ses équipages, afin que ses fourgons n’eussent à transporter que des malades et des blessés.

Au siège de Saint-Venant, on le vit couper sa vaisselle d’argent et la distribuer aux soldats qui ne recevaient point de solde.

Jamais il ne voulut tremper dans aucune concussion. Un officier lui ayant indiqué un moyen de gagner quatre cent mille francs sans que personne en sût rien, il lui répondit froidement : » Je vous suis fort obligé ; mais ayant eu souvent de pareilles occasions sans en profiter, je ne changerai pas à l’âge où je suis. »

Un de ses domestiques lui ayant un jour appliqué, dans les ténèbres, un grand coup par derrière, lui demandait pardon à genoux, disant qu’il l’avait pris pour Georges, son camarade. » Quand c’eût été Georges, répliqua froidement le maréchal de Turenne en se frottant à l’endroit blessé, il ne fallait pas frapper si fort. »