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gestes et de mouvements saccadés, et parfois il contraignait son précepteur de simuler avec lui quelque attaque ou quelque défense de place forte ; et lorsque le chevalier de Vassignac se fatiguait de ce jeu : » Oh ! que mon père n’est-il là ? s’écriait le jeune Henri ; il me servirait bien de second, lui ! Mais pourquoi ne revient-il pas ce soir ?

— Il couchera dans la place, répondit la duchesse de Bouillon ; et par cette neige froide qui tombe en couches épaisses, je crains que son inspection des remparts ne soit bien pénible.

— Je voudrais être avec lui, s’écria Henri ; c’est ainsi qu’on se forme à la guerre, et non en se chauffant près d’un grand feu, comme je le fais ce soir.

— L’âge viendra, dit la mère ; en attendant, Henri, allez dormir, il est temps. Monsieur de Vassignac, emmenez votre écolier ; une longue nuit de sommeil lui est nécessaire, et à vous aussi, chevalier, après les exercices militaires auxquels il vous a contraint tantôt.

— Bonsoir, ma mère, » dit le jeune vicomte de Turenne d’un air pensif.

La duchesse embrassa son fils, qu’un domestique précéda un flambeau à la main ; son précepteur le suivit ; ils franchirent l’escalier qui conduisait du salon de famille à la chambre d’Henri, où l’on arrivait par un long couloir. On était déjà à la moitié de ce couloir, lorsque le jeune Turenne se pencha sur l’épaule du domestique qui le précédait, souffla le flambeau, donna un croc en jambe à son précepteur, franchit comme une flèche l’escalier, la salle à manger, les offices, et s’élança dehors par une porte qui donnait sur les jardins.