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harcelaient sans cesse et cherchaient à le prendre en défaut dans ses études. Pierre était doux et tranquille comme tous ceux qui pensent beaucoup. Malgré les sournoises méchancetés de quelques-uns de ses camarades, il restait leur ami.

Un jour, pour la fête de son père, il avait convié toute l’école à une collation champêtre ; sa mère, qui l’idolâtrait, avait dressé une longue table sous la tonnelle du jardin attenant à leur petite maison. Chaque enfant apporta une fleur au père de Pierre, puis on procéda au goûter, qui se composait de ces friandises qui figurent aussi bien, dans cet heureux pays, sur la table du pauvre que sur celle du riche. C’étaient de petites figues blanches appelées marseillaises, et d’autres longues et grosses qu’on nomme figues grises ; c’étaient de vertes olives confites dans le sel, qu’on met en poche et qu’on croque comme des dragées ; puis des pyramides dorées d’une friture sucrée faite avec une pâte légère formant des losanges trois fois repliés, que les Lyonnais appellent bugnes et les Provençaux oreillettes ; c’étaient à côté des gâteaux cuits au four, faits avec une pâte composée de farine, d’œufs et de fleurs d’oranger, et dans laquelle on met des morceaux de cédrat. Ce gâteau, appelé fougassette, est la passion des enfants. C’étaient encore des jattes de lait caillé et des pots de résiné à l’arôme pénétrant ; c’était enfin, ce qui fit bientôt pétiller tous ces jeunes yeux, du vin blanc claret que le père du petit astronome composait lui-même avec les raisins de sa tonnelle. Tant que dura le goûter, la paix et un demi-silence régnèrent parmi toute cette bande joyeuse ; mais après, ce furent des cris et des gambades, et bientôt, le