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Le précepteur se mourait lui-même.

Un vieux serviteur, qui n’avait jamais quitté le petit Agrippa depuis le jour de sa naissance, dit avec assurance à son père : » Ayez confiance en Dieu, votre fils ne mourra pas ! Allez, monseigneur, nous défendre de l’ennemi. Je veille ici sur votre enfant et je vous le rendrai plein de vie. » En disant ces mots il coucha l’enfant, déjà brûlé et ravagé par la peste ; et se plaçant à son chevet, il entonna un psaume. Le père hésitait à partir : » Allez sans crainte, répéta le serviteur, il est maintenant sous la garde de Dieu. » Le seigneur d’Aubigné embrassa son fils avec déchirement et se rendit aux remparts pour repousser l’assaut.

Cependant le vieux serviteur veillait et chantait sans s’interrompre ; quand le psaume était achevé, il le recommençait. Tout en donnant à l’enfant les breuvages prescrits, il ne discontinuait pas de chanter. Le huitième jour, le malade fut sauvé ; mais la peste lui avait laissé au front une profonde cicatrice. Quand il fut debout : » Je veux, dit-il, aller retrouver mon père sur les remparts. »

Le serviteur l’arma sans résister, et, ayant fait venir un cheval, il y plaça son jeune maître. Il prit le cheval par la bride, entonna de nouveau un verset du psaume, et conduisit Agrippa au seigneur d’Aubigné. En ce moment, on se battait avec furie. L’enfant voit son père s’élancer en tête d’une sortie contre les assiégeants ; il se précipite à sa suite, l’épée au poing, les yeux en flamme, la tête illuminée par son courage ; il entonne d’une voix inspirée le psaume du vieux serviteur. Les soldats, qu’on entraînait d’ordinaire au combat avec ce