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le travail me devint si facile qu’il me semblait que l’esprit de ma mère, qui fut, m’avez-vous dit, si orné et si grand[2], s’était placé en moi et pénétrait ce qu’un enfant ne peut comprendre encore ; c’est ainsi que j’ai traduit ce dialogue de Platon ; l’intelligence maternelle me le dictait. Comment aurais-je pu, sans cela, en comprendre le sens, en deviner les beautés ? C’est donc le portrait de ma mère qu’il faut placer en tête de ce Dialogue.

[Note 2 : Les femmes des grandes maisons de ce temps-là savaient le latin et le grec.]

— Ton désir sera accompli, répondit le seigneur d’Aubigné en embrassant son fils ; nous confierons à M. Henri Étienne un portrait de ta mère, et tu le retrouveras en tête de ton travail, te souriant et t’encourageant encore. »

L’enfant, satisfait par cette promesse, s’échappa des bras de son père, et, s’élançant sur la plateforme du château, s’exerça à la fronde avec les archers de garde. L’étude ne prenait pas toute son âme. Les penchants guerriers s’y développaient à l’envi de ceux de l’esprit. Il faisait des armes en chantant des vers encore sans rime et sans césure qu’il improvisait. Alors il était gai, bruyant. Une heure après, il traduisait du grec, de l’hébreu et du latin. Il se passionnait pour les héros de l’antiquité, et plus tard il a rappelé ces mâles études dans ses vers, où il se fait dire par la bouche de la fortune :


Je t’épiais ces jours lisant si curieux

La mort du grand Sénèque et celle de Thrasée,