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À force de souffrir, son âme abâtardie
Se fondant à la chair y demeure engourdie ;
Pourvu qu’il ait chez lui du pain pour aliment,
Un lit pour reposer, un humble vêtement,
On ne désire rien dans sa pauvre famille,
Ni savoir pour le fils, ni beauté pour la fille.
Ce qui charme le cœur, l’élève, l’ennoblit,
Est un livre étranger où jamais il ne lit ;
Ne pas mourir de faim, avoir le nécessaire,
Combattre pied à pied la hideuse misère,
En triompher parfois, oh ! c’est tant de bonheur,
Qu’aspirer au delà semble impie à son cœur.
Aussi quand tout à coup dans la ville brume use
Se lève un jour d’hiver l’émeute furieuse,
Pour cri de ralliment on n’entend que ces mots :
« Du travail et du pain ! » Mais les instincts plus hauts,
La dignité de l’homme et son indépendance,
Aliment nécessaire à tout être qui pense,
L’ouvrier révolté n’y fait jamais appel ;
Ô pauvre paria, déshérité du ciel,
Qui donc, te relevant de la terre où tu broutes,
Des peuples affranchis t’enseignera les routes ?