Page:Colet - Deux mois d emotions - 1843.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tous les cœurs qu’ici-bas j’avais le plus aimés
Sont glacés par la mort ou bien me sont fermés.
Si j’allais demander au vallon de Servannes,
Comme l’Américain demande à ses savanes,
Un air tiède, un ciel pur, un soleil éclatant,
Et la fraîcheur des eaux pour mon front haletant ;
Si, recueillant mon âme avant que je succombe,
Je voulais de ma mère aller revoir la tombe,
Ceux qui gardent la haine en face d’un cercueil
Du château paternel m’interdiraient le seuil ;
Dans cette vaste cour, que le grand orme abrite,
On me verrait errer comme une ombre maudite,
Et moi, moi de ma mère et l’orgueil et l’espoir,
Au foyer des aïeux je ne pourrais m’asseoir !…

Mais je t’entends me dire, avec ta voix de mère :
« À défaut du château n’as-tu pas la chaumière ?
N’as-tu pas notre toit, humble asile où, du moins,
Chacun t’entourera de tendresse et de soins ?
Oh ! viens, viens parmi nous, puisqu’ils t’ont méconnue ;
Nos cœurs simples et bons fêteront ta venue ;
Le respect et l’amour à ta mère accordés
Comme un doux héritage ici te sont gardés ;