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Ô doux temps où, cédant à l’amour d’une mère,
Nos cœurs se pardonnaient une parole amère,
Où la haine d’un jour était sans lendemain,
Où nous marchions unis dans le même chemin !
Ô doux passé détruit où mon âme se plonge,
Hélas ! tu n’es donc plus que l’image d’un songe !
Où sont-ils, où sont-ils, tous ces êtres chéris ?
Ils ont longtemps souffert, puis la mort les a pris ;
Deux fils dans le cercueil ont suivi leur vieux père ;
Moi j’aspire à la tombe où repose ma mère ;
Les autres ?… de leur cœur Dieu seul a vu le fond.
Je souffre et je les plains pour le mal qu’ils me font.
Insensés ! au fardeau de la misère humaine,
Pour le rendre plus lourd, ils ajoutent la haine,
Et vainement pour eux le deuil succède au deuil :
Rien ne touche leur cœur plein d’un stérile orgueil !…

Tu le vois, ces seuls mots de ta lettre fidèle
Ont rouvert dans mon âme une plaie éternelle ;
Car ce château désert que tu m’as rappelé,
C’est le bonheur perdu pour l’enfant exilé.
Mais dans ces lieux si chers, hélas ! qu’irais-je faire ?
Ceux qui les habitaient sont dans une autre sphère ;