Page:Coignet - Les Cahiers du capitaine Coignet, 1883.djvu/72

Cette page a été validée par deux contributeurs.

table de famille. Jamais on ne disait toi personne, toujours vous. Le dimanche, monsieur demandait : « Qui veut de l’argent[1] ? »

Tous les domestiques étant réunis, M. Potier leur dit : « Je nomme ce jeune homme pour vous transmettre mes ordres. Je lui confie les clés du foin et de l’avoine, c’est lui qui fera la distribution à tous les attelages. »

Tout le monde me regarde, et moi qui ne savais rien du tout de cet arrangement, j’étais tout confus, je n’osais lever la tête. Enfin mon maître me dit : « Vous allez venir avec moi à la ville. » J’étais content d’être hors de table.

M. Potier me donne des clés et me dit : « Partons ! nous allons voir des greniers de blé considérables. Eh bien ! êtes-vous content de moi ? Ma femme aura soin de vous. — Monsieur, je ferai tout mon possible pour que vous soyez content de moi. »

Aussi, je me multipliais : le soir, le dernier couché ; le matin, le premier levé. Le lendemain, la sonnette m’appelle pour me donner l’ordre que je transmis à tous les domestiques. Le plus grand me dit : « Monsieur, que dites-vous ? — Je ne suis pas monsieur, je suis votre bon camarade, dites-le à tout le monde. Je suis aux gages comme vous ; je ferai mon service ; je n’abuserai jamais de la confiance de

  1. C’est-à-dire : « De l’argent d’avance sur ses gages ».