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pin, je faisais la barbe à mes camarades, à ceux qui en avaient le plus besoin. Ils s’asseyaient sur la croupe d’un cheval mort qui était resté là et que la gelée avait rendu plus dur qu’une pierre. J’avais dans mon sac une serviette que je leur passais sous le cou ; j’avais aussi du savon que je délayais avec de la neige fondue au feu. Je les barbouillais avec la main, et je leur faisais l’opération. Du haut de ses bottes de paille, l’Empereur assistait à ce singulier spectacle, et riait aux éclats. J’en rasai, dans ma nuit, au moins une vingtaine.

Bataille d’Eylau. (Voir page 201, avant-dernière ligne.) — M. Sénot, notre tambour-major, était derrière nous à la tête de ses tambours. On vint lui dire que son fils était tué. C’était un jeune homme de seize ans ; il n’appartenait encore à aucun régiment, mais, par faveur et par égard pour la position de son père, on lui avait permis de servir comme volontaire parmi les grenadiers de la garde : « Tant pis pour lui, s’écria M. Sénot ; je lui avais dit qu’il était encore trop jeune pour me suivre. » Et il continua à donner l’exemple d’une fermeté inébranlable. Heureusement, la nouvelle était fausse : le jeune homme avait disparu dans une file de soldats renversés par un boulet, et il n’avait aucun mal ; je l’ai revu depuis, capitaine adjudant-major dans la garde.