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pour donner à ceux de ma chambrée ; je leur chante messe et vêpres le dimanche[1] ; je ne m’ennuie pas. — Je ne vous laisserai manquer de rien. »

À sa sortie de prison, il me laissa un pouf de 35 francs chez Foussier, cabaretier, rue du Temple, en face du café Milon ; il se faisait apporter des morceaux de rôti, et c’est moi qui payais ainsi les messes et les vêpres qu’il chantait aux prisonniers.

En 1823-1824, je fis une moyenne récolte, mais en 1825 je fis d’excellent vin ; j’en vendis, pour me liquider avec MM. More et Labour, et il me resta 300 francs que j’employai de suite en épiceries, sans en prendre un sou de plus. Rentré chez moi, je dis à mon épouse : « Je suis le plus heureux des hommes : je ne dois plus rien, et voilà pour 300 francs de bonne épicerie qui ne doit rien à personne. » Le Roi n’était pas plus content.

Ma petite maison se maintenait ; je renonçai tout à fait au monde. Je partais dans l’été avec mon épouse à trois heures du matin ; je revenais du jardin à six, ouvrir ma petite boutique, et repartais de suite ; à neuf je revenais déjeuner.

Voilà la conduite que j’ai toujours tenue pendant 30 ans avec mon épouse chérie. Que la

  1. Nous avons vu déjà que le père Coignet chantait au lutrin de son village.