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ciations[1] ; il fut poursuivi pour propos séditieux et un mandat d’amener lancé contre lui. Un ami le prévint, il prit la fuite par la porte de son jardin et les gendarmes le manquèrent. Pendant huit jours, il erra dans les bois, puis se cacha dans un village ; mais il avait perdu sa liberté, il fallait rester enfermé. Il prit le parti de quitter son refuge, et de gîte en gîte, ne marchant que de nuit, il se rendit à la prison d’Auxerre pour subir la peine que le tribunal voudrait lui infliger ; il fut condamné à 3 mois de prison. Il était accusé d’avoir dit que l’Empereur arrivait avec dix mille Anglais. Le bon sens protestait contre une pareille accusation. On vint me dire qu’il était en prison ; je fus de suite le voir, je l’embrassai : « Pourquoi ne me l’avoir pas fait savoir ? — Je craignais de te faire de la peine. — Qui a pu vous dénoncer ? — Trubert. — Le malheureux, dis-je, c’est moi qui ai fait sa fortune, qui l’ai fait marier avec Mlle Defrance ; ce n’est pas possible. — C’est lui, te dis-je. — Je vous apporterai tous les jours à manger. — Je veux une bouteille d’eau-de-vie

  1. Un ancien ami de mon père. M. Morin, me dit alors : « Votre père se porte bien, mais il a bien souffert du temps des cosaques. — Comment cela ! — Vous ne le savez donc pas ? — De tout, voilà la première nouvelle. — Eh bien, ils l’ont pris, il n’a pas voulu rendra son fusil, ils l’ont lié, les mains derrière le das avec une chaîne au cou. Il était battu, attaché derrière une voiture ; il faisait pleurer tout le monde. Ils remmenèrent jusqu’à Avallon, là ils l’ont tant battu qu’il est resté sur la place, des âmes charitables l’ont secouru, il s’en est senti longtemps. »