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LES CAHIERS

çon, dit-il. Tu vas aller au jardin bêcher. — Oui, monsieur. »

À neuf heures, ma bêche sur l’épaule, je me mis à la besogne. Quelle fut ma surprise ! je vois mon père qui arrosait ses choux. Il me regarde ; j’ôte mon chapeau, le cœur bien gros, mais je tiens ferme. Il me parle : « Tu es donc chez mon gendre ? — Oui, monsieur. Ah ! c’est votre gendre ! — Oui, mon garçon. D’où es-tu ? — Du Morvan. — De quel endroit ? — De Menou. Je servais au village des Bardins. — Ah ! je connais tous ces pays. Connais-tu le village des Coignet. — Oui, oui, monsieur. — Eh bien ! il a été bâti par mes ancêtres. — Ça se peut, monsieur. — Tu as vu de belles forêts qui appartiennent à Mme de Damas ? — Je les connais toutes, car j’ai gardé les bœufs de mon maître pendant trois ans ; je couchais toutes les nuits sous les beaux chênes dans l’été. — Ah ! bien, mon garçon, tu seras mieux chez ma fille. — Ça se peut. — Comment te nommes-tu ? — Jean. — Et ton père ? — On le nomme dans le pays l’Amoureux. Je ne sais si c’est son véritable nom. — A-t-il beaucoup d’enfants ? — Nous sommes quatre ? — Que fait-il, ton père ? — Il va dans les bois ; il y a beaucoup de gibier par là ; on n’y voit que des cerfs et des biches, et du chevreuil. Et des loups, c’en est plein ; ils m’ont fait bien peur des fois. Oh ! j’avais trop de peine, et je suis parti. — C’est