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vant l’infâme ; mettez-moi en présence de lui. Je ne vous demande ni grâce ni protection ; si je suis coupable, faites moi arrêter, vous êtes le maître. — Allez, je vous crois, faites attention. »

Le lendemain, je me présente au café, je retrouve mon ami Ravenot ; nous sortîmes ensemble. Arrivés sur la route de Courson, je lui dis : « Il ne faut pas prendre les petits sentiers ; nous pourrions trouver des espions cachés dans les vignes. Suivons la route, car hier l’agent de police est venu me chercher pour paraître devant le maire, qui m’a renvoyé ; nous n’avons pourtant pas dit un mot de politique. — Ce sont des gens qui font ce métier-là pour gagner de l’argent. Qui donc est cet agent ? — J’ai demandé son nom ; il se nomme Monbont[1] ; il est grand, culottes courtes, des mollets comme un chevreuil et une loupe au coin de l’oreille. »

Les amateurs de beaux chevaux venaient voir les miens ; enfin un nommé Cigalat, vétéri-

  1. « Mon ami, me disait-il, venez parler au maire, il a deux mots à vous dire — C’est bien, Monbont, je vous suis. — Je vais vous annoncer. » Je n’ai pas à me plaindre de cet homme, il faisait son métier ; c’était le mandataire de la ville, le faiseur de petits procès. Il en faisait le dimanche dans la matinée ; il tenait toutes les rues. Si le tailleur avait un habit à finir, notre ami entrait chez lui : « Un procès, cinq francs d’amende, il est dix heures ! » Si le perruquier rasait un homme : « Il est dix heures, cinq francs ! » Pour un paquet devant la boutique d’un marchand, cinq francs d’amende ; cela ne faisait pas un pli, de manière que lui seul pouvait augmenter les revenus de la ville. Il était précieux et poli. »