profond silence. J’entendis mes adversaires déclamer et blasphémer contre moi. C’était terrible de me voir vilipender par l’avoué Chapotin. Je ne soufflais mot. Chapotin s’adressait ainsi au tribunal : « Le voilà, en me montrant, ce lion rugissant qui fait trembler ces malheureux par sa présence ; je l’ai vu à Auxerre, il y a deux ans, faire la belle jambe le soir. »
Heureusement, je me vengeais sur ma tabatière ; je fourrais des prises de tabac dans mon gros nez, les unes sur les autres. Mais il était temps que Chapotin finisse ; enfin, je repris mon sang-froid, je demandai la parole au président : « Je prie le tribunal de remettre ma cause à huitaine pour me justifier des calomnies de M. Chapotin par mes lettres de services. » Tout me fut accordé. Je rentrai chez moi ; je pris de suite mes lettres de service avec brevets et certificats à l’appui.
À la huitaine, mon procès fut appelé ; je portai tous mes papiers sur le bureau du président, et me retirai sans dire mot. Voyant tous ces papiers, il les examine ; après les avoir compulsés, il en fit part à ses juges, et il interpella Chapotin : « Monsieur Chapotin, répondez. Étiez-vous à telle époque dans telle et telle ville ? — Non, Monsieur le Président. — Eh bien, le capitaine Coignet y était ; en voilà la preuve par ses lettres de service. Il était loin d’Auxerre à cette époque, il défendait sa patrie et vous l’avez injurié, vous