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pont détruite (les parapets restant intacts), je vis un homme à plat ventre le long du parapet glisser des pièces de bois pour aider au passage.

Au bout du pont, qui est long, se trouve une rue à gauche. Ce faubourg étant encombré des voitures de l’arrière-garde, nous ne pouvions passer qu’à coups de sabre. Nous balayons tout : ceux qui échappèrent à notre fureur se fourrèrent sous les fourgons. L’écume sortait de la bouche du maréchal, tellement il frappait.

Arrivés sur une belle chaussée qui conduit à Saint-Dizier, devant une plaine immense, le maréchal nous lit poursuivre notre charge, mais l’Empereur, nous voyant engagés dans un péril certain, avait fait poser les sacs à un bataillon de chasseurs à pied pour venir à notre secours. Ce bataillon nous sauva ; nous fûmes ramenés par une masse de cavalerie. Les chasseurs étaient à plat ventre le long de la chaussée, et après les avoir dépassés, la cavalerie ennemie fut surprise par un feu de file. La terre fut jonchée de chevaux et d’hommes, et nous pûmes atteindre le faubourg. Durant la charge, l’Empereur avec sa vieille garde et son artillerie montait la côte qui fait face à Montereau. En face du pont, sur un mur formant rotonde et garni de belles charmilles, nos pièces en batterie foudroyaient les masses dans la plaine. C’est là que l’Empereur fut canonnier ; il pointait lui-meme les pièces. On voulut le faire retirer : « Non, dit-il, le