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Tout d’un coup jetant ses regards sur la hauteur, il se met à crier : « Voilà Moreau ! Voyez-le en habit vert, à la tête d’une colonne, avec les empereurs. Canonniers à vos pièces ! Pointeurs, jetez un coup d’œil dans la grande lunette. Dépêchez-vous. Lorsqu’ils seront à mi-côte, ils seront à portée. » La redoute était armée de seize pièces de la garde : leur salve fit trembler tout le monde, et l’Empereur avec sa petite lorgnette dit : « Moreau est tombé ! »

Une charge des cuirassiers mit la colonne en déroute, et ramena l’escorte du général, et on sut que Moreau était mort. Un colonel, fait prisonnier dans la charge des cuirassiers, fut interrogé par notre Napoléon en présence du prince Berthier et du comte Monthyon, il dit que les empereurs avaient voulu donner le commandement à Moreau et qu’il l’avait refusé, avec ces paroles : « Je ne veux pas prendre les armes contre ma patrie, mais vous ne les battrez jamais en masse. Il faut vous diviser en sept colonnes, ils ne pourront faire tête à toutes ; s’ils en écrasent une, les autres marcheront en avant. » A trois heures de l’après-midi, l’ennemi précipitait sa retraite par des chemins de traverse et des défilés presque impraticables. Cette victoire fut mémorable, mais nos généraux n’en voulaient plus. J’avais mon couvert au grand état-major, et j’entendais des propos de toutes les manières. On blasphémait contre l’Empereur : « C’est