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le 27. L’Empereur passa la Bérézina à une heure de l’après-midi, et alla établir son quartier général dans le petit hameau. Le passage de la rivière continua dans la nuit du 27 au 28. L’Empereur fit appeler le maréchal Davoust et je fus nommé pour garder la tête du pont et ne laisser passer que l’artillerie et les munitions, le maréchal à droite et moi à gauche. Lorsque tout le matériel fut passé, le maréchal me dit : « Allons, mon brave, tout est passé. Allons rejoindre l’Empereur. » Nous traversâmes le pont et le marais gelé ; il pouvait porter notre matériel, sans quoi tout était perdu. Durant notre pénible service, le maréchal Ney avait taillé les Russes qui remontaient pour nous couper la route ; nos troupes les avaient surpris en plein bois et cette bataille leur coûta cher ; nos braves cuirassiers les ramenaient couverts de sang ; c’était pitié à voir. Nous arrivons sur un beau plateau, l’Empereur passait les prisonniers en revue ; la neige tombait si large que tout le monde en était couvert, on ne se voyait pas.

Mais derrière nous, il se passait une scène effrayante ; à notre départ du pont, les Russes dirigèrent sur la foule[1] qui entourait les ponts, les feux de plusieurs batteries. De notre posi-

  1. Cette foule se composait de traînards qui avaient refusé de passer le jour précédent, et qui bivaquaient sur la rive. Il fallut le canon russe pour les émouvoir.