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commença avec toutes ses rigueurs dès le 6 novembre. L’Empereur faisait de petites étapes au milieu de sa garde, suivant sa voiture à pied avec un bâton ferré à la main, et nous sur les côtés de la route avec les officiers de cavalerie. Tous l’oreille basse, nous arrivâmes le 9 novembre à Smolensk. Les étapes étaient des plus pénibles, les chevaux mouraient de faim et de froid, et quand nous trouvions des chaumières, ils dévoraient les chaumes. Le froid était terrible déjà ; 17 degrés au-dessous de zéro. Cela produisit de grandes pertes dans l’armée ; Smolensk et les environs regorgeaient de cadavres. Je pris toutes mes précautions pour ma conservation. Nos chevaux tombaient sur la glace : passant près d’un bivac, je m’empare de deux haches, je fais sauter les fers de mes chevaux et ils ne glissent plus. Je me munis d’une petite chaudière pour faire du thé. Arrivé à l’endroit où l’Empereur s’arrêtait, je faisais un feu considérable, je plaçais mon général pour le faire dégeler, et de suite la chaudière sur le feu pour faire fondre de la neige. Quelle mauvaise eau que la neige fondue au milieu de la fumée ! Mon eau bouillant, je mettais une poignée de thé, je cassais du sucre, et les jolies tasses faisaient leur jeu ; on prenait son thé tous les jours. Jusqu’à Vilna, je ne manquai pas d’amis ; ils suivaient ma chaudière, et j’avais dix beaux pains de sucre. Ils étaient trois capitaines et nous ne