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traite à tout son corps, et me renvoie. Je trouve déjà sa division de réserve en colonnes serrées qui occupait toute la route dans le bois. Ne pouvant passer, je prends un chemin à gauche qui longeait la route, je vais au galop pour gagner le devant de la division en retraite et je tombe au milieu d’une colonne russe qui traversait ce chemin étroit. Voyant qu’elle était en déroute, je ne perds pas la carte, je me mets à crier d’une voix de Stentor : « En avant ! » Et rebroussant chemin, je traverse ces fuyards épouvantés qui baissaient le dos en traversant le chemin, je finis par me dégager, et regagnant la grande route, je dis aux chefs de corps que les Russes étaient dans le bois.

Je rencontrai la garde en marche, partie de Smolensk le 25 août pour se rendre aux avant-postes ; je trouvai l’Empereur et rendis compte de mon aventure. « As-tu vu le champ de bataille ? demanda l’Empereur. — Non, Sire, mais la route est couverte de Russes et de beaucoup de Français. — Tu ne peux me suivre ; tu partiras demain avec mes équipages pour me rejoindre. »

Il dit à son piqueur : « Recevez mon vieux grognard, il vous suivra. » Je fus bien traité, et le lendemain j’eus un cheval pour laisser reposer le mien ; on rejoignit l’Empereur à marches forcées. En abandonnant une ville sur les bords de la Wiazma, le 29, les Russes mirent le feu aux magasins, et le quart de la ville fut la proie