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moitié. Que cela leur serve d’exemple ! Commandant, faites charger les armes à votre bataillon. Mon adjoint va commander le feu. »

On en fusilla soixante-deux. Dieu ! quelle scène ! Je partis de suite le cœur navré, mais les juifs étaient contents. Voilà mon étrenne de lieutenant !

Je désirais arriver à mon terme, mais le maréchal avait de l’avance sur moi. À Gluskoé, où je trouve la garde, je mets mes soldats au bivac, et je leur fais donner des vivres. Le lendemain, je pars pour Witepsk où deux forts combats avaient eu lieu. Combien il me tardait d’être débarrassé de ce pesant fardeau ! Enfin, j’arrive à Witepsk, le cœur en joie, croyant être au bout. Pas du tout ! le corps du maréchal était à trois lieues en avant. Je vais prendre des ordres sur la route à suivre, et je ne trouve plus en revenant que le tambour qui m’attendait : « Eh bien ! où sont-ils ? Tous sauvés ! disent mon tambour et mon soldat, on leur a dit que le 3e corps n’était qu’à une lieue. »

Je pars avec mon tambour et mon soldat ; j’avais trois lieues à faire. J’arrive à quatre heures près du chef d’état-major du maréchal ; les aides de camp et les officiers, me voyant seul avec un tambour et un soldat, se mirent à rire : « Ça ne vous sied guère, Messieurs, de rire de moi. Tenez, général, voilà ma feuille de route ; vous verrez ma conduite depuis Vilna. »