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mes fourgons et je m’y cachai. Le matin, quel spectacle déchirant ! Dans le camp de cavalerie, près de nous, la terre était couverte de chevaux morts de froid ; plus de dix mille succombèrent dans cette nuit d’horreur. En sortant transi de mon fourgon, je vois trois de mes chevaux morts. Je fais de suite distribuer ceux qui me restaient après mes quatre fourgons ; ces malheureux tremblaient si fort qu’ils brisaient tout sitôt attelés, ils se jetaient dans leurs colliers à corps perdus, ils étaient fous et faisaient des sauts de rage. Si j’avais tardé d’une heure, je les perdais tous. Je puis dire qu’il fallut employer tout notre courage pour les dompter.

Arrivés sur la route, nous trouvâmes des soldats morts qui n’avaient pas pu soutenir ce monstrueux orage ; ça démoralisa une grande quantité de nos hommes. Heureusement, nos marches forcées firent partir de Vilna l’empereur de Russie qui y avait établi son quartier général. Dans cette grande ville, en put mettre de l’ordre dans l’armée. L’Empereur donna des ordres dès son arrivée, le 29 juin, pour arrêter les traînards de toutes armes, et les parquer dans un grand enclos en dehors de la ville ; ils y étaient bien enfermés, et on leur donnait des rations ; la gendarmerie était sur tous les points pour les ramasser. On en forma trois bataillons de sept à huit cents hommes ; ils avaient tous conservé leurs armes.