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faire plus qu’un demi-tour pour les prendre ; quand l’assiette arrivait au plus près du souverain, le premier valet la présentait, et si le souverain secouait la tête, l’assiette disparaissait ; de suite, une autre la remplaçait. Si la tête ne bougeait pas, le valet plaçait l’assiette devant son maître.

Comme ces morceaux étaient bien découpés, chacun prenait son petit pain, le rompait et mordait à même, ne se servait jamais de couteau, et à toutes les bouchées il se servait de sa serviette pour s’essuyer la bouche ; la serviette disparaissait et le valet en glissait une autre. Ainsi de suite, de manière que, derrière chaque personnage, il y avait un tas de serviettes qui n’avaient servi qu’une fois à la bouche.

On ne soufflait pas mot. Chacun avait un flacon de vin et d’eau, et personne ne versait à boire à son voisin. Ils mordaient dans leur pain et se versaient à boire à leur gré. Par des signes de tête, on acceptait ou on refusait. Il ne fut permis de parler que lorsque le souverain maître adressa la parole à son voisin. Si c’est imposant, ça n’est pas gai.

L’Empereur se lève ; je fais porter et présenter les armes, et tous passent dans un grand salon. Je restai près de ce beau service. Le général vint me prendre par le bras : « Sergent, venez avec nous, je vais vous faire boire du vin de l’Empereur, et, en passant, je ferai donner à