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disaient en voyant mettre le feu : « C’est pour moi. — Eh bien, je reste derrière vous, c’est la bonne place, soyez tranquilles. »

Il arrive un boulet qui emporte la file, et les renverse tous les trois sur moi ; je tombe à la renverse : « Ce n’est rien, leur dis-je, appuyez de suite ! — Mais, sergent, votre sabre n’a plus de poignée ; votre giberne est à moitié emportée.

— Tout cela n’est rien, la journée n’est pas finie. »

Nos deux pièces n’avaient plus de canonniers pour les servir. Le général Dorsenne les remplaça par douze grenadiers et leur donna la croix, mais tous ces braves périrent près de leurs pièces. Plus de chevaux, plus de soldats du train, plus de roues ! les affûts en morceaux, les pièces par terre comme des bûches ! impossible de s’en servir ! Il arrive un obus qui éclate près de notre bon général et le couvre de terre, il se relève comme un beau guerrier : « Votre général n’a point de mal, dit-il, comptez sur lui, il saura mourir à son poste. »

Il n’avait plus de chevaux, deux avaient péri sous lui. À de tels hommes que la patrie soit reconnaissante ! Et la foudre tombait toujours… Un boulet emporte une file près de moi, je suis frappé au bras, mon fusil tombe ; je crois mon bras emporté, je ne le sens plus. Je regarde ; je vois attaché à ma saignée un morceau de chair. Je crois que j’ai le bras fracassé. Pas du tout !