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bras du Danube. Aussitôt en bataille, il arrive un boulet qui vient frapper la cuisse du cheval de l’Empereur ; tout le monde crie : « À bas les armes, si l’Empereur ne se retire pas sur-le-champ ! » Il fut contraint de repasser le petit pont, et se fit établir une échelle en corde attachée en haut d’un sapin ; de là il voyait tous les mouvements de l’ennemi et les nôtres.

Un second boulet frappa le sergent-tambour ; un de mes camarades fut de suite lui ôter ses galons et ses épaulettes et me les apporta, je le remerciai en lui donnant une poignée de main. Ce n’était que le prélude ; l’ennemi plaça devant nous cinquante canons sur la gauche d’Essling. L’envie me prend de faire mes besoins, mais défense d’aller en arrière ! il fallait se porter en avant de la ligne de bataille. Arrivé à la distance voulue pour les bienséances, je pose mon fusil par terre, et me mets en fonctions, tournant le derrière à l’ennemi. Voilà un boulet qui fait ricochet et m’envoie beaucoup de terre sur le dos, je fus accablé par ce coup terrible ; heureusement j’avais gardé sac au dos, ce qui me préserva.

Je ramasse mon fusil d’une main, ma culotte de l’autre, et reviens, les reins meurtris, rejoindre mon poste. Mon commandant me voyant dans cet état, arrive au galop près de moi : « Eh bien, me dit-il, êtes-vous blessé ? — Ce n’est rien, commandant ; ils voulaient me nettoyer le