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On me dit qu’il fallait que j’apprenne à nager, je répondis que je craignais trop l’eau : « Eh bien ! dit l’adjudant-major, il faut le laisser tranquille, ne pas le forcer. — Je vous remercie. »

L’Empereur donna l’ordre de tenir prêts les plus forts nageurs en petite tenue et pantalon de toile pour midi. Le lendemain, il arrive dans la cour de notre caserne ; on fait descendre les nageurs. Il était accompagné du maréchal Lannes, son favori ; il demande cent nageurs des plus forts. On nomme les plus avancés : « Il faut, dit-il, qu’ils puissent passer avec leurs fusils et des cartouches sur la tête. » Il dit à M. Belcourt : « Tu peux les conduire ? — Oui, Sire. — Allons, prépare-les, je vous attends. »

Il se promenait dans la cour ; me voyant si petit à côté des autres, il dit à l’adjudant-major : « Fais approcher ce petit grenadier décoré. » Me voilà bien sot : « Sais-tu nager ? me dit-il. — Non, Sire. — Et pourquoi ? — Je ne crains pas le feu, mais je crains l’eau. — Ah ! tu ne crains pas le feu. Eh bien ! dit-il à M. Belcourt, je l’exempte de nager. »

Je me retire bien content. Les cent nageurs prêts, on se rendit au bord de la Seine ; il y avait des barques montées par les marins de la garde pour suivre, et l’Empereur descendit à pied sur la berge.

Tous les nageurs passèrent au-dessous du pont, en face du château de Neuilly, sans accident.