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LES CAHIERS

Mais ce n’était pas fini. Voilà les sept caporaux de la compagnie qui m’apportent deux paires de galons, et le tailleur pour les coudre : « Allons de suite, dit-on, ôtez votre habit ! Ces galons viennent de nos deux camarades morts au champ d’honneur. — Eh bien ! leur dis-je, vous vous occupez donc tous de moi ; il faut les arroser. — Non, dirent-ils, nous sommes trop. — C’est égal, nous prendrons chacun une demi-tasse et le petit verre. Mais je vous prie de laisser venir mes maîtres et le tailleur qui a cousu mes galons. — Eh bien, soit ! dirent-ils, partons. »

Et me voilà avec mes quinze hommes au café ; je les fis mettre à table, et fus trouver le maître. Je lui dis : « C’est moi qui paie, vous m’entendez. — Ça suffit, dit-il. — De l’eau-de-vie de France, surtout. — Vous allez être servis. »

J’en fus quitte pour douze francs, et nous partîmes tous contents. Me voilà à mes études comme un enfant, commençant par faire des bâtons et apprendre mon évangile et le réciter à mon maître. Mais il fallut passer la revue du départ, et le lendemain, 13 juillet, nous partîmes pour Berlin, la joie dans l’âme. À Berlin, le peuple vint au-devant de nous ; il savait la paix faite. On nous reçut on ne peut mieux, nous fûmes bien logés, et la plus grande partie nous menèrent au café. Ils demandaient : « Eh ! les Russes ont donc trouvé leurs maîtres ? Ils disent cependant que nos soldats ne se battent pas bien.