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et de blessés ; ce n’était qu’un cri. On ne peut se faire une idée de cette journée. Le lendemain fut consacré à faire des fosses pour enterrer les victimes et porter les blessés à l’ambulance. Sur le midi, il arrive des tonneaux d’eau-de-vie que des juifs amenaient de Varsovie, escortés par une compagnie de grenadiers. L’ordre fut établi pour que chacun puisse en avoir à son tour ; on mit un tonneau debout et défoncé. Deux grenadiers tenaient le sac, quatre à la fois laissaient tomber chacun six francs, et puisaient avec un verre réglé dans le tonneau. Et défense de recommencer ; puis venaient quatre autres, ainsi de suite : ces quatre tonneaux sauvèrent l’armée, et les juifs firent fortune. Ils furent escortés jusqu’à Varsovie par une compagnie de grenadiers, à trois francs par jour.

Une trêve fut convenue ; il n’était pas possible de continuer ; l’armée avait trop souffert. L’Empereur nous fit prendre nos cantonnements, mais avant de partir, on évacua les blessés et malades dans des traîneaux, ainsi que les pièces de canon prises à l’ennemi et les prisonniers. Le 17 février, nous partîmes pour Thorn et Marienbourg où nous trouvâmes de meilleurs cantonnements. Il était temps, car nous n’avions pas changé de linge depuis un mois. Nous vînmes dans un grand village désert nommé Osterode, c’était tout à fait misère, mais nous trouvâmes des pommes de terre. L’Empereur était logé dans une grange ;