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garde. La foudre venait nous trouver sur ce lac gelé ; ils avaient vingt-deux pièces de siège amenées de Kœnigsberg qui nous foudroyaient ; les obus traversaient les maisons et faisaient des ravages épouvantables dans nos rangs. Il n’est pas possible de souffrir davantage que d’attendre la mort sans pouvoir se défendre. Un beau trait de notre fourrier, un boulet lui emporte la jambe ; il coupe un peu de chair qui restait, et nous dit : « J’ai trois paires de bottes à Courbevoie, j’en ai pour longtemps. » Il prit deux fusils pour se servir de béquilles, et fut à l’ambulance tout seul. À force de perdre du monde, l’Empereur nous fit porter en avant sur la hauteur, notre gauche appuyée à l’église, et lui présent avec son état-major près de cette église et observait l’ennemi. Il eut la témérité de se porter près du séminaire où il se passait un carnage horrible et répété. Ce cimetière fut le tombeau d’une quantité considérable de Français et de Russes. Nous fumes les maîtres de cette position. Mais, à droite en face de nous, le 14e de ligue fut taillé en pièces, les Russes pénétrèrent dans leur carré et ce fut un carnage horrible. Le 43e de ligne perdit la moitié de son monde. Un boulet vint couper le bâton de notre aigle entre les jambes du sergent-major, et fit un trou à sa redingote par devant et par derrière ; heureusement il ne fut pas blessé.

Nous criâmes : « En avant ! Vive l’Empereur ! »