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LES CAHIERS

ter en avant près des montagnes de Pratzen. Devant nous, une rivière à franchir, mais elle était si gelée qu’elle ne fit aucun obstacle.

Nous campons à gauche de la route des montagnes de Pratzen, avec les grenadiers d’Oudinot à droite, la cavalerie derrière nous. Le 1er décembre, à deux heures, Napoléon vient faire visite avec ses maréchaux, à notre front de bandière. Nous étions à manger du cotignac, nous en avions trouvé des pleins saloirs dans des villages, et nous faisions des tartines. L’Empereur se mit à rire : « Ah ! dit-il, vous mangez des confitures ! Ne bougez pas, il faut mettre des pierres neuves à vos fusils. Demain matin, nous en aurons besoin, tenez-vous prêts ! »

Les grenadiers à cheval amenaient une douzaine de gros cochons ; ils passèrent devant nous. Nous mîmes le sabre à la main, et tous les cochons furent pris. L’Empereur de rire, il fit la distribution : six pour nous, et les six autres pour les grenadiers à cheval. Les généraux se firent une pinte de bon sang, et nous eûmes de quoi faire de bonnes grillades. Le soir, l’Empereur sortit de sa tente, monta à cheval pour visiter les avant-postes avec son escorte. C’était la brune, et les grenadiers à cheval portaient quatre torches allumées. Cela donna le signal d’un spectacle charmant : toute la garde prit des poignées de paille après leurs baraques et les allumèrent. On se les allumait les uns aux autres,