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LES CAHIERS

était arrivé. Ma sœur lui dit que j’étais dans la garde du Consul. « Fais bien attention, lui dit-il, de ne pas faire connaissance d’un soldat, ne va pas nous déshonorer ; nous avons été assez malheureux. — Mais, mon ami, dit-elle, il va venir après son appel, tu le verras. »

J’arrive ; elle me voit et le fait cacher. Je lui dis : « Eh bien ! ma sœur, et mon frère Pierre n’est donc pas venu. — Mais si, dit-elle ; il dit que vous n’êtes pas mon frère. — Ah ! lui dis-je, eh bien ! il faut lui dire que c’est lui qui m’a emmené de Druyes pour Étais où il m’a loué, et il avait du mal au bras. »

Là-dessus, il vint fondre sur moi, et nous voilà tous les trois dans les bras l’un de l’autre, pleurant si fort que tout le monde de la maison est accouru pour voir des malheureux se retrouver au bout de dix-sept ans. La joie et la douleur furent si grandes que mon frère et ma sœur ne purent la surmonter ; je les perdis tous les deux. J’enterrai ma pauvre sœur au bout de six semaines ; la maladie se déclara au bout de huit jours, et il a fallu la conduire à l’hôpital où elle succomba ; je la conduisis au champ du repos. Mon frère ne put survivre à cette perte ; je le renvoyai au pays où il mourut. Je les perdis dans l’espace de trois mois ; voilà des malheurs que je ne puis oublier.

Mes devoirs de famille terminés, je repris mes devoirs militaires, et je contai mes malheurs à