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LES CAHIERS

rassurée, que vous êtes bien tranquille chez moi ; j’ai recommandé de bien vous traiter. — Je vous remercie, madame, nous ne sortirons que demain pour passer la revue. — Vous me voyez dans un mauvais état ; ce sont des malheurs que j’ai éprouvés. Robespierre a fait guillotiner quatorze personnes de ma famille ; le scélérat m’a fait donner pour trente mille francs de bijoux et d’argenterie, et il exigeait que je couchasse avec lui pour sauver la vie de mon mari ; le lendemain, il lui fît couper la tête. Voilà, monsieur, les malheurs de ma famille. Ce scélérat a été puni, mais trop tard[1]. »

Nous partîmes pour nous rendre à Tours par les étapes désignées, et là nous fûmes passés en revue par le général Beauchou, qui nous présenta un vieux soldat qui avait servi quatre-vingt-quatre ans simple soldat dans notre demi-brigade[2]. Le Consul lui avait donné pour retraite la table du général ; il avait cent deux ans, et son fils était chef de bataillon. On lui fit apporter un fauteuil ; il était habillé en officier, mais point d’épaulettes. Il y avait au corps un sergent de son temps qui avait trente-trois ans de service.

Après avoir quitté cette belle ville de Tours,

  1. Comment la vieille dame avait-elle pu, huit années auparavant, exciter à ce point les désirs de Robespierre qui fut cruel et défiant, mais n’aima ni l’argent ni les femmes ? On abuse évidemment ici de la naïveté de notre sapeur.
  2. C’est-à-dire dans le régiment qui avait contribué à former la demi-brigade.