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spectacle hideux. Nos maraudeurs entrèrent dans un château, prirent de l’argenterie et la vendirent à une cantinière qui eut le malheur de receler ces objets. Le maître du château qui vit les soldats déposer ses objets dans le tablier de cette femme, monte à cheval et arrive au bord du fleuve ; il vient trouver le colonel et lui désigne la recéleuse des objets volés, et la marque de son argenterie, et la quantité. Tout cela vérifié, la cantinière fut condamnée à être tondue et menée sur son âne toute nue et à défiler devant le front du régiment. Huit militaires menaient l’âne, et cette malheureuse tremblait nue sur cet âne à poil[1].

Le maître de l’argenterie demandait grâce ; elle pleurait, mais le soldat rit de tout. La malheureuse, épuisée de fatigue dans cette position, lâcha tout sur le dos de son âne, et les militaires qui conduisaient la victime par devant et par derrière ne voulaient plus faire leur service parce que l’odeur ne leur convenait pas. Ils jetèrent l’âne et la femme dans le Pô pour la laver et on les retira de suite. La femme fut chassée du régiment, et le seigneur du château lui donna une bourse ; il pleurait sincèrement.

Comme on ne pouvait passer que cinq cents hommes à la fois sur ce pont volant, nous ne perdîmes pas de temps, et nous poursuivîmes notre

  1. Monter à poil, veut dire dans l’armée monter sans selle.