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ne-lui du pain. » Puis, il tire un petit calepin vert et me demande comment je m’appelle : « Jean-Roch Coignet. — Ta demi-brigade ? — Quatre-vingt-seizième. — Ton bataillon ? — Premier. — La compagnie ? — Première. — Ton capitaine ? — Merle. — Tu diras à ton capitaine qu’il t’amène à dix heures près du Consul. Va le trouver, laisse là ta pièce ! »

Et il part au galop. Moi, bien content, je pars à toutes jambes rejoindre ma compagnie qui avait pris dans un chemin à droite. Ce chemin était creux, bordé de haies et encombré de grenadiers autrichiens. Nos grenadiers les attaquaient à la baïonnette, ils étaient dans un désordre complet, sur tous les points. Je me présente à mon capitaine, et lui dis qu’on m’avait mis en écrit : « C’est bien, dit-il. Passons par ce trou pour gagner le devant de la compagnie ; ils pourraient être coupés, ils vont trop vite. Suivez-moi ! »

Je passe par le même trou ; à deux cents pas, de l’autre côté du chemin, il se trouvait un gros poirier sauvage, et derrière, un grenadier hongrois qui attendait que mon capitaine fût en face de lui pour l’ajuster. Mais comme il le vit, il me cria : « A vous, grenadier ! »

Comme j’étais en arrière, je le mets en joue à dix pas ; il tombe roide mort, et mon capitaine de m’embrasser : « Ne me quittez pas de la journée, dit-il, vous m’avez sauvé la vie ! » Et nous