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DU CAPITAINE COIGNET.

Genève, on remonte la vallée du Rhône, et on arrive à Saint-Maurice. De là nous partîmes pour Martigny (tous ces villages sont tout ce que l’on peut voir de plus malheureux) ; on prend une autre vallée que l’on peut dire la vallée de l’Enfer ; là, on quitte la vallée du Rhône pour prendre la vallée qui conduit au Saint-Bernard ; et l’on arrive au bourg de Saint-Pierre, situé au pied de la gorge du Saint-Bernard.

Ce village n’est composé que de baraques couvertes de planches, avec des granges d’une grandeur immense où nous couchâmes tous pêle-mêle. Là, on démonta tout notre petit parc, le Consul présent. L’on mit nos trois pièces de canon[1] dans une auge ; au bout de cette auge il y avait une grande mortaise pour conduire notre pièce gouvernée par un canonnier fort et intelligent qui commandait quarante grenadiers. Avec le silence le plus absolu, il faut lui obéir à tous les mouvements que sa pièce pourrait faire. S’il disait : Halte, il ne fallait pas bouger ; s’il disait : En avant, il fallait partir. Enfin il était le maître.

Tout fut prêt pour le lendemain matin au petit jour, et on nous fit la distribution de biscuits. Je les enfilai dans une corde pendue à mon cou (le chapelet me gênait beaucoup), et on nous donna deux paires de souliers. Le

  1. Chaque demi-brigade avait alors son artillerie.