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qu’en présence du sergent et du caporal je déposai l’argent sur une table, pour en faire le partage, ils n’en pouvaient croire leurs yeux. Vous avez donc volé la caisse du régiment ! s’écrient-ils. — Non pas, répondis-je, tout cet argent est à nous ; c’est le pain béni qui nous vaut cette aubaine. Partageons.

Nous étions dix ; nous eûmes chacun 45 fr., et cela joint à mes 450 fr. que le colonel m’avait déjà réservés, je me trouvai à la tête d’une petite fortune. Quelle joie inespérée !

Mes camarades, m’attribuant leur bonheur, voulaient encore me régaler. Je n’y consentis pas, et le lendemain je leur payai une bonne bouteille de cognac.

Quinze jours après, je reçus une lettre de Paris. Qu’on juge de ma surprise ! C’était ma chère sœur, qui avait été perdue dans les bois, par notre marâtre, et qui, après bien des traverses, était devenue cuisinière chez un chapelier, place du Pont-Neuf. Elle avait fini par savoir que j’avais servi des marchands de chevaux de Coulommiers, en Brie, et elle avait présumé que la conscription m’avait atteint dans ce nouveau pays. Un parent de son maître était employé dans le ministère de la guerre. Par son entremise, elle fit faire des recherches, et l’on me découvrit dans la 96e demi-brigade.

Un bonheur n’arrive jamais seul. Le colonel et mon commandant Merle m’apprirent que j’avais été porté, avec quelques officiers, pour obtenir une récompense