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En passant dans la cour d’honneur, un spectacle déchirant s’offrit à nous. Les blessés de la garde étaient là étendus sur la paille, et l’on faisait des amputations. Partout des cris ! Je sortis le cœur navré.

Dans la plaine, c’était bien pis encore. Nous vîmes le champ de bataille couvert de soldats autrichiens et français qui ramassaient les morts, les traînaient avec les bretelles de leurs fusils et les réunissaient. Soldats, chevaux, on mettait tout pêle-méle dans un même tas, et on les brûlait pour nous préserver de la peste. Quant aux cadavres trop éloignés des autres, on se contentait de jeter un peu de terre sur eux.

Nous rencontrâmes un lieutenant qui nous supplia de lui donner du pain, et nous remercia de notre cadeau comme des sauveurs. Il nous conduisit ensuite un bon bout de chemin de peur que nous ne fussions arrêtés et dépouillés.

Quand nous arrivâmes, le capitaine en voyant le paquet dont nous étions chargés se mit à rire,

— Est-ce que vous venez de la maraude, dit-il.

— Oui, capitaine, je vous apporte du pain et de l’eau-de-vie.

— Mais comment vous êtes vous procuré tout cela !

Je lui racontai mon aventure.

— Ah ! me dit-il, vous êtes né sous une bonne étoile.

J’étais, en effet, bien heureux de pouvoir lui rendre la goutte qu’il m’avait donnée la veille, pendant la ba-