Page:Coignet - Aux Vieux de la vieille, 1853.djvu/66

Cette page n’a pas encore été corrigée
56

Vers les cinq ou six heures du soir, on nous envoya pour dégager la 24e. Quand nous arrivâmes, soldats et officiers nous accablèrent d’injures, prétendant que nous les avions laissé égorger de gaieté de cœur, comme s’il dépendait de nous de marcher à leur secours. Ils avaient été abîmés. J’estime qu’ils avaient perdu la moitié de leur monde, ce qui ne les empêcha pas de se battre encore mieux le lendemain.

Cette escarmouche éclairait la situation. Il n’y avait plus de doutes, l’ennemi était devant nous. Il s’était caché dans la ville d’Alexandrie.

Toute la nuit nous restâmes sous les armes.

On plaça des avant-postes le plus loin possible et des petits postes de quatre hommes encore plus en avant. Deux de ces derniers furent surpris le 14 à deux heures du matin et égorgés par les Autrichiens.

Aussitôt la générale battit sur toute la ligne. On ne peut se faire une idée de l’effet que le son des tambours, à cette heure matinale, produisit sur nous. C’était un frisson comme celui qu’éprouve le soldat au premier coup de canon. Chacun s’élança sur les faisceaux ; il semblait que l’ennemi était à deux pas de nous. On ne se croyait en sûreté que le fusil à la main, et dans les rangs de ses compagnons.

Les lignes se formaient dans toute la plaine ; c’était un branle-bas général. De ma vie je n’oublierai ce moment. J’étais encore jeune soldat, et je n’étais qu’à moitié aguerri. D’ailleurs, je n’ai pas la prétention de