tournant le dos, ils ne me voyaient pas. Je les frappe de ma baïonnette, et je les étends par terre. Ce fut l’affaire d’un moment. D’ailleurs ma compagnie arrivait à deux pas derrière moi pour finir ma besogne. — Je restai maître de la pièce et je sautai dessus.
Mon capitaine m’embrassa en passant et me dit de la garder ; ce que je fis, pendant que mes camarades se jetaient sur les Autrichiens. Leur infanterie était massée à deux cents pas à peu près de la pièce de canon. La rencontre fut sanglante. Ce n’était que feux de pelotons, de bataillons et carnage à la baïonnette. Nos soldats de la 96e étaient devenus des lions.
Moi, je ne restai pas longtemps sur ma pièce de canon. Le général Berthier vint à passer et m’apercevant : que fais-tu là, dit-il d’un ton nasillard ?
— Mon général, vous voyez mon ouvrage. C’est à moi cette pièce, je l’ai prise tout seul.
— Qu’est-ce que tu veux ?
— Du pain si vous en avez.
Il dit à son piqueur de m’en donner, puis tirant de sa poche un petit calpin vert, il me demanda comment je m’appelais : Ton nom ?
— Jean-Roch Coignet.
— Ton régiment ?
— Quatre-vingt-seizième.
— Ton bataillon ?
— Premier.