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tout ce qui avait appartenu à l’armée impériale. Aussi, donna-t-il à Louis XVIII le conseil de nous mettre de côté et de nous abandonner à notre malheureux sort. Le roi eut la faiblesse de suivre ce conseil, et il nous fut enjoint de nous procurer des établissements ; manière honnête de nous dire : Vous êtes répudiés, allez vous-en. Cet ordre impitoyable ne tarda pas à nous être signifié ; on nous renvoya immédiatement dans nos foyers. Les officiers qui n’avaient pas le moyen de rester en ville, où la vie est toujours plus chère, se sauvaient à la campagne et prenaient place à la table frugale du laboureur, moyennant trois cents francs de pension par an. Quant à moi, mon parti fut bientôt pris. J’avais soixante-treize francs par mois, plus, pour environ quinze cents francs d’immeubles qui ne me produisaient pas grand revenu. C’est égal, avec cette modique fortune je crus pouvoir fixer ma résidence à Auxerre. Du reste, comme je n’aimais pas la vie oisive et que mes propriétés, mes vignes surtout, loin de l’œil du maître, étaient nécessairement en mauvais état, je me décidai, au bout de quelques jours, à aller m’installer, pour un mois, à Mouffy, où étaient situées mes vignes. J’empoignai donc la pioche au lieu du sabre, et me mis à cultiver la terre. Pour me seconder dans ce nouveau genre d’exercice, j’avais commencé à m’adjoindre deux hommes de journée ; mais il se trouva d’abord que j’étais leur maître ; je faisais trembler le manche de ma pioche pour la faire pénétrer dans la