donnant le coup de pied aux vaincus. Cela me faisait mal à entendre. Je ne disais jamais de mal des Bourbons qui avaient essuyé de grands malheurs, mais je souffrais horriblement quand j’entendais maudire l’empereur et son règne. Or, un jour je reçus une invitation pour un grand dîner en ville. Je m’y rendis. Il se trouvait là beaucoup de monde, mais la plupart des convives étaient pour moi gens inconnus ; je distinguai seulement un bel officier de cavalerie décoré, qui se nommait, je crois, M. Chamond, et qui était grand ami de celui qui nous recevait.
Le dîner fut très-beau et très-gai. On mangeait, on buvait, on jasait et tout allait bien ; mais au dessert, voilà qu’un invité, emporté sans doute par son zèle pour la famille des Bourbons, se met à déblatérer contre mon empereur d’une manière très-virulente. Il tombe ensuite sur ses vieux soldats et se déchaîne contre la Grande Armée avec tant de vivacité que je ne pus me retenir de prendre la parole et de venger vigoureusemeat la mémoire de mon empereur et la gloire de ses compagnons d’armes, car je ne pouvais pas souffrir, après notre malheur, que l’on traînât ainsi dans la boue, en ma présence, l’empire et ses gloires.
Cette scène fit quelque bruit en ville, et ne fut malheureusement pas la seule à laquelle je devais assister.
Nous étions au mois de janvier, et le gouvernement ordonna de célébrer partout en grande pompe l’anniversaire funèbre de la mort du malheureux roi