étant formé, avait été caserné provisoirement à l’hôpital des fous.
Seize à dix-sept officiers de ce régiment étant venus prendre pension à la même table que moi, je fis bientôt connaissance avec ces nouveaux convives, et je me trouvai étre naturellement le doyen de la compagnie. Parmi ces officiers, il se trouvait un vieux capitaine aux cheveux grisonnants qui se mettait toujours en face de moi à table. Il n’avait pas l’air très à son aise avec les jeunes officiers qui l’entouraient, et je crus remarquer qu’il désirait lier particulièrement avec moi ; je ne tardai pas à lui en fournir l’occasion.
Les jeunes gens sont ordinairement vantards et se familiarisent vite, à table surtout. Or, deux de nos plus jeunes convives, au bout de quelques jours, se vantaient, l’un d’ayoir été dans les gardes-du-corps, l’autre d’avoir suivi Louis XVIII à Gand. Ils allaient plus loin, en affirmant que dans l’affaire du maréchal Ney, ils s’étaient travestis sous l’uniforme de vétéran pendant qu’on le jugeait au Luxembourg, et qu’il avait été fusillé par eux. Oh ! alors, je les tins à l’œil, et les surveillai de près. Je me souviens même qu’au moment où ils nous racontaient leurs exploits, ne me possédant plus, je fus un instant prêt a sauter par-dessus la table pour les payer comptant et en nature. Il fallut se retenir, mais je me réservais de les pincer au premier jour. L’occasion que j’attendais ne tarda pas à se présenter.