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Entouré par nous, contraint de se retirer et d’abandonner le champ de bataille, nous eûmes toutes les peines du monde à nous faire jour à travers cette foule armée que gagnait l’épouvante et le désordre. Mais ce fut bien pis quand nous fûmes arrivés à Genappe : l’empereur voulut essayer de rétablir un peu d’ordre, d’arrêter les fuyards et de remonter le moral de ses troupes. Ses exhortations furent sans succès. Fantassins, cavaliers, artilleurs se sauvaient pêle-mêle, se heurtaient, s’écrasaient dans les rues de cette ville, sans rien entendre ni rien voir, fuyant devant la cavalerie prussienne, qui poussait des hourras derrière eux. C’était à qui arriverait le plus vite de l’autre côté du pont jeté sur la Dyle. Tout était donc perdu ! Il était près de minuit : l’empereur, convaincu de l’impossibilité de rallier son monde avant le jour, envoya plusieurs officiers au maréchal Grouchy pour lui annoncer la perte de la bataille. On ne peut se faire une idée d’une pareille déroute sans en avoir été témoin. Il n’y avait plus de distinction entre les chefs et les soldats ; on ne connaissait, on n’écoutait plus personne. Les cavaliers tuaient leurs chevaux à coups de pistolet. La peur était si grande que plusieurs de nos hommes se brûlèrent la cervelle pour ne pas tomber au pouvoir de l’ennemi qu’ils croyaient sans cesse voir à leurs trousses. Depuis la grande débâcle de Moscou, je n’avais rien vu d’aussi affreux.

L’empereur partit de Genappe dans la nuit, se di-