Page:Coignet - Aux Vieux de la vieille, 1853.djvu/366

Cette page n’a pas encore été corrigée
164

ralentis ma marche à dessein. Il gagnait du terrain sur moi et cela l’encourageait. L’empereur, qui suivait mes mouvements et m’avait cru perdu un moment, envoyait en toute hâte deux grenadiers à cheval à mon secours. Avant qu’ils fussent arrivés, et lorsque mon adversaire commençait à s’approcher d’autant plus près de moi que je faisais effort pour modérer l’ardeur de mon cheval, il fond sur moi tout-à-coup, en s’écriant : « Je te tiens ! »

Son mouvement ne m’avait pas échappé. Prompt comme l’éclair, je fais un à gauche pour éviter son coup, et fonds sur lui à mon tour, répétant son mot : et moi aussi je te tiens ! En me voyant faire ce brusque demi-tour, il fléchit et veut s’effacer, mais il n’était déjà plus temps : le vin était versé, il lui fallut le boire. Il n’avait pas achevé son mouvement de retraite, que j’étais à sa gauche et lui enfonçais dans le côté la pointe de mon grand sabre. Le coup fut si violent, qu’il tomba par terre raide mort. Il fit la culbute, la tête en bas. Lâchant aussitôt mon sabre, je saisis la bride de son cheval et m’en revins, fier de ce nouveau trophée, vers mon empereur, avec les deux grenadiers qui venaient à mon secours. Je leur donnai le cheval à ramener.

— Eh bien ! grognard, dit l’empereur, je te croyais pris. Qui t’a montré à faire cette manœuvre ?

— C’est un de vos gendarmes d’élite, à la campagne de Russie.

— Tu t’y es bien pris, et tu es bien monté. L’as-tu